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Sécheresse dans les Pyrénées-Orientales : la désalinisation de l’eau de mer est-elle une vraie ou une fausse bonne idée ?

Les Pyrénées-Orientales font face à un épisode de sécheresse inédit dû à un déficit de précipitations important. Alors que les ruptures d’eau potable menacent le quotidien des habitants, une source d’eau reste cependant inexploitée : la Méditerranée. Alors, dessaler l’eau de mer, vraie ou fausse bonne idée ?

Désalinisation de l'eau de mer

17 mai 2023 à 16h48 par Louella Boulland

Après plus d’un an sans pluie significative, le département des Pyrénées-Orientales traverse une crise de sécheresse sans précédent depuis le début des relevés météorologiques. Face à l’absence de pluie, toutes les solutions sont étudiées. Noyée dans un flot de restrictions d’eau, la désalinisation de l’eau de mer se fraye son propre chemin.

À l’étranger

Déjà adopté par des pays et villes comme l’Arabie Saoudite, Les Emirats Arabes Unis ou, plus proche, Barcelone, le processus de désalinisation de l’eau de mer s’est révélé être un véritable atout face à la sécheresse et aux pénuries d’eau potable. L’usine de dessalement de Barcelone, amis catalans, a d’ailleurs été construite après la grande sécheresse de 2008. Elle permet aujourd’hui de satisfaire environ 20 % des besoins en eau de  l'agglomération barcelonaise. L’Espagne dispose ainsi de plus de 900 usines de traitement et de dessalement des eaux, et produit plus de 2 millions de mètres cube d’eau par jour, selon un communiqué de l’ambassade de France en Espagne. De quoi inspirer les Pyrénées-Orientales dans la gestion de la crise de l’eau ?

Et dans les Pyrénées-Orientales ?

Une première cellule de dessalement autonome a été installée à Port-Vendres le lundi 3 avril 2023. Et contrairement aux usines de dessalement classiques, ce container fonctionne grâce à l’énergie solaire. Il n’émet donc aucun CO2. Cette petite station peut pomper jusqu’à 33 000 litres d’eau par jour, et produit 11 000 litres d’eau potable. Soit un tiers de l’eau pompée se transforme en eau potable. L’expérience n’apparaît pas assez rentable pour l'échelle départementale. Les 22 000 litres d’eau restants sont appelés "saumure", c’est-à-dire une eau plus concentrée en sel que l’eau de mer. La saumure est rejetée à la mer après la filtration du sel.

Conséquences économiques

L’eau douce issue du système de désalinisation de Port-Vendres coûterait 2 fois plus cher que l’eau potable déjà en circulation sur les robinets de la ville, soit presque 4 euros du mètre cube. Avec une inflation qui bat des taux records, la commercialisation de cette eau n’est pas encore au programme, faute de moyens. 

Autre problème économique de la désalinisation : la demande en énergie. Le processus de désalinisation de l’eau de mer fonctionne grâce à un procédé appelé "osmose inversée". L’eau de mer y est séparée de l’eau douce par une membrane, ce qui nécessite une forte pression pour que l’eau douce puisse passer cette membrane au détriment du sel de mer. Cette technique est très énergivore. Et à l’inverse du système de Port-Vendres, la plupart des usines de désalinisation s’alimentent à l’énergie fossile, gaz ou pétrole, qui risquent de voir leur coût augmenter à l’avenir.

Le processus de désalinisation des eaux de mer est donc soumis à des contraintes financières importantes, ce qui freine sa création dans les Pyrénées-Orientales. "C'est en général utilisée comme une solution de sécurisation ponctuellle, plutôt que comme une source permanente d'approvisionnement en eau potable. Cela pose des questions d'équilibre économique et aussi d'impact environnemental. Mais dans des situations de difficulté, cela fait partie des sujets qui sont regardés", affirmait le préfet Rodrigue Furcy cette semaine, lui qui coordonne le plan de gestion de la ressource en eau sur le territoire. 

Considérations écologiques

"On sait produire de l’eau douce avec de l’eau de mer, mais les conséquences de cette production sur le département constituent des interrogations que nous n’avons pas encore levées", nous confiait de son côté Nicolas Garcia,  vice-président du Département en charge de la commission eau. Et oui ! L’utilisation des énergies fossiles propage une importante quantité de CO2 dans l’air. Des études ont été menées sur le système de production espagnole. Et il rejetterait plusieurs milliers de tonnes de CO2 par jour (source : ecotoxicologie.fr).

Outre les émissions carbones, la désalinisation des eaux de mer nuit fortement à la faune et à la flore sous-marine. Comme mentionné précédemment, la saumure est rejetée directement dans la mer. Or, une telle concentration de sel bouleverse l’écosystème marin. À long terme, cette technique pourrait avoir des conséquences sur le réchauffement des océans, selon ecotoxicologie. "Personnellement, je pense qu’il s’agit de l’ultra dernier recours, à employer seulement si nous ne pouvons pas faire autrement", conclut Nicolas Garcia.