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Toulouse : les sous-traitants d'Airbus au bord du gouffre

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27 avril 2020 à 16h46 par Brice Vidal

Les conséquences de la crise sanitaire vont provoquer une terrible saignée dans les effectifs.

 

La crise sanitaire va faire l’effet d’une bombe à Toulouse. L’inquiétude concerne surtout le secteur aéronautique et particulièrement les sous-traitants d'Airbus. Guillaume Faury, le PDG de l’avionneur européen, a d’ores et déjà prévenu : les difficultés de trésorerie "menacent la survie même de l’entreprise".

Il faut s’attendre à des baisses de charges allant jusqu'à 40% et de grosses restructurations. Les principaux donneurs d'ordre vont vouloir légitimement "protéger leurs périmètres" nous explique un syndicaliste. Pour les externes ça promet un véritable trou d'air. Un décrochage dont certains ne se remettront pas.

 

Les gros survivront peut-être, pas les petits

Si les sous-traitants de l’aéronautique sont des entreprises habituées à faire face à des montées en cadence, suivies de périodes de relative inactivité, jamais ils n'ont eu à faire face à une crise d'une telle (dé)mesure. Le constructeur ATR devrait par exemple fermer une de ses deux chaînes d'assemblage et ne livrer que 35 avions sur 80 prévus. A chaque jour son lot d'annulations.

En première ligne : ce que l'on appelle les "tiers one" (sous-traitants de rang 1). Ils pourraient tenir le coup - à condition d'être aidés - jusqu'à une reprise qui n'est pas attendue avant 2022 - 2023. Pour les autres, sous-traitants des sous-traitants et intérimaires : ce sera le crash. La catastrophe.


Recours aux pouvoirs publics

Des informations ont récemment fuité dans la presse évoquant jusqu'à 3000 suppressions de postes chez Daher au niveau national. Le sous-traitant compte dans l'ex Midi-Pyrénées entre 1400 et 1500 salariés titulaires. Michel Canovas, secrétaire CFTC Daher-Socata, tempère "30% de charges en moins sur un groupe de 10 000 personnes, oui ça fait 3000 le compte y est. Mais on a déjà du mal à voir à la semaine comment ça se passe... la seule chose acquise c'est ce qu'annonce Airbus".

Alors le syndicaliste refuse les projections mathématiques et garde espoir. "Il faut que l'on soit accompagné, sinon on ne s'en sortira pas" explique le Toulousain "l'Etat doit mieux structurer son offre de chômage partiel sur la longue durée. Ainsi nous pourrons garder les compétences et repartir dans 2 ans".

Direction et partenaires sociaux s'affairent actuellement pour être aidés par les collectivités locales. "Si on n'a pas les dispositifs adaptés pour maintenir la filière de la sous-traitance on se retrouvera avec de graves problématiques sur l'emploi" conclut-il.

D’autres sous-traitants vont faire les frais de la crise du Covid 19. Atos, dont une large part des effectifs est en CDI, a déjà enregistré une forte baisse de son activité : la société de 450 salariés gère les inspections qualité et les essais au sol. Pour le moment, elle fait appel au dispositif de chômage partiel et impose des congés à ses salariés. Pas de plan social en vue. Mais quid dans quelques mois ? Les syndicats restent discrets.

 

Safran en congé obligatoire du 4 au 7 mai

"Safran Aircraft Engine est aussi très impacté par la crise dans l'aviation civile" explique le Toulousain Marc Montal, secrétaire CGT chez Safran Power Units situé à Sesquières. "Pour le moment on ne fait plus appel aux prestataires, les contrats d'intérimaires sont interrompus. Pas de plan social évoqué pour le moment, mais la direction ne l'a pas écarté non plus."

Safran a eu largement recours au chômage partiel même si le groupe revient cette semaine à 50% d'activité (télétravail et in situ). L'entreprise aura par ailleurs quasiment 70% de ses effectifs en congé obligatoire du 4 au 7 mai.

Safran Power Units, qui travaille dans le domaine militaire, n'a pas enregistré d'annulation ou report de contrats, "l'impact sera d'environ - 10% du chiffre d'affaires". La société compte 4 à 5000 salariés dans la région et possède sept sites autour de Toulouse (notamment Blagnac, Colomiers, Villemur, Sesquières...). 

 

La hantise de nombreux salariés : la clause de mobilité 

Si les intérimaires sont d’ores et déjà sortis du circuit, la plupart des titulaires sont très inquiets de l’avenir. Outre les départs à la retraite non remplacés, ils craignent de voir - comme lors de la crise de 2008 - les entreprises faire jouer la clause de mobilité : un poste proposé par exemple à 800 km de Toulouse. Après plusieurs refus, le salarié est susceptible d’être licencié. De quoi grossir les rangs des conseils de Prud’hommes dans les mois à venir...

 


Photo © @DAHER_official.

Michel Canovas, secrétaire CFTC Daher.

Soutien au secteur aéronautique et spatial : un Courrier de Jean-Luc Moudenc à Bruno Le Maire

 

« Dans le cadre du plan de relance économique actuellement en préparation auprès du Gouvernement, il faut renforcer la souveraineté industrielle et technologique du secteur aéronautique et spatial, emblématique de l’économie toulousaine. Nous devons garantir le leadership des fleurons de l’industrie française et européenne basés sur notre territoire. La mise en œuvre de leviers puissants est attendue pour un soutien financier immédiat à ces filières. Il faut notamment engager les investissements nécessaires pour un nouveau programme aéronautique majeur. Je serai vigilant, en particulier, afin que ces mesures de relance se concentrent notamment vers les petites et moyennes entreprises de la filière aéronautique et spatiale, qui sont majoritaires dans le secteur » a déclaré Jean-Luc Moudenc, Maire de Toulouse, Président de Toulouse Métropole.