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TEMOIGNAGE 100% : Quand Sciences Po Toulouse cofinançait le "tribunal des salopes"

100%

11 février 2021 à 15h03 par Brice Vidal

Accusation de viol, pratiques dégradantes, l'IEP Toulouse dans la tourmente.

 

La parole se libère après les scandales qui touchent les prestigieux Instituts d'études politiques et notamment Sciences Po Toulouse.

Véhiculés par le hashtag #Scienceporcs, de nombreux témoignages d'étudiantes faisant état de violences sexuelles se font jour, et à ce titre une enquête préliminaire a été ouverte pour viol à Toulouse. Le 5 février dernier, une étudiante de 20 ans dénonçait sur les réseaux sociaux le viol dont elle a été victime à Sciences Po Toulouse en 2018. Viol, mais aussi humiliations, insultes, perpétrées souvent par les "bizuteurs" de 2e année. Nous avons rencontré une jeune femme d’une vingtaine d’années qui a été témoin de ces agissements à Toulouse. Cette ancienne sciencepiste, qui a connu l'intégration en 2016, s'étonne de voir que des pratiques "borderline" perdurent, comme "le tribunal des salopes". Anonymement, elle s'est confiée à 100%.

 

Une de ses connaissances affirme avoir été violée

 

Pour cette étudiante, le sentiment dominant aujourd'hui, c'est la culpabilité d'avoir été "passive". De n'avoir pas réagi "aux chants sexistes appris pendant l'intégration" ou "aux confidences de victimes d'abus sexuels". Exemple : un "jeu" consiste "chaque soir lors du week-end d'intégration à aller dans la chambre d'un garçon", et "une fille m'a d'ailleurs avoué qu'elle avait été violée alors qu'elle était ivre" affirme notre témoin.

En dehors de l'alcoolisation importante, le clou du weekend d'intégration, c'est le "tribunal des salopes" explique-t-elle en pleurant. Nommé ainsi, année après année par les bizuteurs, tout le monde assiste - presque avec excitation - à l'humiliation d'étudiants de première année. "Quelques garçons y passent, mais la majorité ce sont des filles". Elles doivent énoncer "tous leurs partenaires sexuels". Les plus stigmatisées étant "les étudiantes qui avaient couché avec un deuxième année". S'ensuivaient "des gages", "aussi dégoûtants qu'humiliants". La jeune étudiante qui a porté plainte pour viol la semaine dernière parle de "bouffer du beurre cru avec du piment" ou encore "des oeufs éclatés sur leur tête". Les week-ends d'intégration aujourd'hui mis en cause, sont organisés par le Bureau des Etudiants, qui reçoit des financements de l'IEP.

Déjà en 2019, l'association de rugby masculin de l'école avait été auto-dissoute après des révélations de violences sexuelles lors du CRIT inter-IEP, évènement sportif.

 

La cellule d'écoute de l'IEP a encore du travail


Au lendemain des révélations faisant état du viol de septembre 2018, l’IEP Toulouse faisait son mea culpa.

Pour le directeur de l’IEP Toulouse Olivier Brossard "ça fait plusieurs années que nous, les directeurs, sommes préoccupés voire atterrés de ce qu’il se passe dans les CRIT (criteriums sportifs inter-IEP)" ajoutant "cette année j’avais décidé que l’établissement ne subventionnerait plus ses manifestations […] ces beuveries." Il confirmait qu’il existe "une cellule d’écoute" depuis 2018 pour recueillir la parole des victimes, mais "elle ne fonctionnait pas de façon satisfaisante" tempérait le directeur de l’IEP Toulouse.  "Des étudiantes ont fait remonter que cette cellule ne leur inspirait pas confiance, qu’il fallait garantir plus d’anonymat". L’IEP a affirmé "réfléchir à la possibilité de contacter la cellule par mail" et "va aussi proposer une boîte vocale, cela permet des témoignages anonymes".

Tout doit être mis en place ces prochaines semaines. "On porte atteinte à l’image des établissements en étouffant ces affaires" précisait Christine Mennesson, en charge de la mission de lutte contre les violences sexuelles et les propos discriminatoires au sein de l’IEP Toulouse.

 

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