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Interview 100%. "Loïc, Ma vie, mon Drame, mon Combat", ce livre du père d'un enfant victime du drame de Millas paraîtra en mai prochain

À travers son regard de père meurtri, Fabien Bourgeonnier retrace dans son ouvrage tout ce qu’il s’est passé autour du tragique accident entre un car scolaire et un train le 14 décembre 2017 à Millas, où 6 collégiens ont perdu la vie, dont son fils, Loïc.

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7 avril 2023 à 12h58 par John Bourgeois


Plus de 5 ans après la terrible collision entre un bus scolaire et un train qui avait tué 5 collégiens et blessé 17 autres à Millas, Fabien Bourgeonnier a décidé d’écrire un livre. Le père de Loïc, l’une des victimes décédées, publiera en mai prochain “Loïc, Ma vie, mon Drame, mon Combat”. Un ouvrage autour du triste jour du drame, de ceux qui l’ont précédé, puis suivi. 

Fabien Bourgeonnier nous replonge dans les longues semaines du procès de la conductrice du car, reconnue coupable d’homicides et blessures involontaires en octobre dernier, mais qui purge une peine d’un an de prison sous surveillance électronique. Une condamnation “incompréhensible” pour l’auteur, qui a voulu s’exprimer sur toutes les incohérences autour du drame de Millas, et des autres homicides routiers. Des problématiques qu’il combat aujourd'hui au travers de son association  “A la mémoire de nos anges”. Interview.

Quel a été l'élément déclencheur pour écrire ce livre ? 

J’avais déjà fait plusieurs écrits à des sénateurs et des ministres, et au fur et à mesure de les publier sur mes réseaux sociaux, notamment celui de l’association “A la mémoire de nos anges”, il y a des gens qui m’ont conseillé d’écrire. J’avais commencé à faire un premier manuscrit qui ne me plaisait pas trop. Je ne me sentais pas légitime de le faire. Puis en discutant avec ma famille, et comme j’avais beaucoup de choses à raconter sur le drame qu’on a vécu, j’ai commencé. J’ai expliqué ce jour du 14 décembre, puis en descendant, je suis arrivé jusqu’au verdict.

Vous l’avez confié, ce livre n’est pas une thérapie ?

Non, parce qu’il n’y a pas thérapie possible. Moi je suis meurtri, j'ai perdu un enfant, ma femme aussi. Il n’y a pas de guérison possible là-dessus. Donc je n’ai pas écrit un livre pour une thérapie, je l’ai fait parce que j’ai créé une association, j’ai décidé de me battre pour éviter qu’un tel drame recommence, ou en tout cas qu'on améliore les choses. Et j'avais besoin de l’expliquer, de le raconter. J'ai besoin de raconter ma vie en tant que papa mais non, ce n'est absolument pas une thérapie. Je n'ai pas de médicaments. Il n’y a pas de produit miracle, ni de guérison à cela. 

Il y a donc un objectif derrière tout cela, notamment autour de l’action que vous menez depuis le drame ?

Il y a un travail sur la prévention bien entendu. Parce que j’explique notre drame de l’intérieur, en tant que père. J'explique ma détresse, puis toutes les incohérences qu'il y a au niveau de la SNCF comme des cars scolaires, sur le fait que nos enfants ne soient pas attachés dans ces cars. C'est un sujet sur lequel je me bats depuis maintenant 5 ans. Et puis sur les passages à niveau. Il y a aussi des problèmes avec la SNCF, et il faut le dévoiler. Pour le drame de Millas, ce n'est pas le cas, mais ça arrive sur d’autres drames. Donc mon livre c'est un peu tout ça. C’est aussi raconter tout ce qu'on a subi, aussi avec les médias, les réseaux sociaux, où on s'est fait insulter. Et ça, ce n'est pas normal. On ne peut pas, en tant que victime, se sentir coupable de quelque chose qu'on n’a pas fait, et de voir la prévenue, elle, non coupable. 

Une grosse partie du livre est consacrée au procès de la conductrice du bus, et à son jugement. Quelques semaines après ce procès, comment vous positionnez-vous par rapport à cette condamnation ?  

On ne peut pas le comprendre. On le voit sur de nombreux drames, on s'aperçoit que les victimes, elles, sont délaissées par rapport aux auteurs. Et on voit sur tous les drames routiers que les auteurs ne prennent aucune sanction, peu importe que cela soit pour de la drogue, de l'alcool, de la prise de cachet, ou pour des excès de vitesse. J'ai plein d'exemples de mamans qui ont perdu un enfant sur divers drames routiers, et le prévenu n'a rien pris, que du sursis. Ce n’est pas entendable. On s'aperçoit que sur les drames comme celui de Millas, on ne retire pas le permis de conduire. Là, elle a pris 5 ans de retrait de permis de conduire, alors qu’elle a tué 6 enfants et en a blessé 17. Il y a un problème. On ne demande pas la loi du talion. En tout cas, moi, je ne la demande pas. Je ne demande pas une peine de mort. Je demande juste que la justice soit équitable. 

Vous avez été personnellement très médiatisée, notamment pendant le procès, avez-vous senti que votre parole pouvait faire du bien à d’autres parents ? Et que peut-être certains voulaient justement que vous vous exprimiez à leur place ? 

Non, pas à leur place. Je ne prends la parole de personne, je parle pour moi. Et effectivement, il y a des parents qui sont venus me dire : ”j'aimerais dire ça et ça”. Et comme j'ai la bouche pour le faire, je le fais, mais je ne parle pas pour les autres parents. Mais j'ai décidé de me battre. Avant je ne parlais pas comme ça. Je ne sais pas ce qu’il s'est passé, ce qui s'est produit dans ce drame, mais la perte de mon fils m'a changée et j'arrive à m'exprimer. J'arrive à communiquer avec les médias, avec les politiques. J’ai donc décidé de le faire, et le livre est un plus à ce que je suis capable de faire à l'heure actuelle. 

Vous souhaitez donc désormais que ce livre aille dans les mains d’un responsable politique ?

J'espère effectivement que quelqu'un de politisé puisse le lire, et qu'il puisse se dire : “le gars, il ne dit pas que des bêtises”, et qu’on engage la discussion pour que je lui dise ce qu’on a subi, vécu, et qu’il faudrait que ça change. C'est important. On l'a vu sur l’annonce des décès où il y a une circulaire qui est sortie le 2 décembre 2022.  Même le ministre de la justice, quand il nous l’a présenté, il nous a dit que cela “n'existait pas jusqu'à maintenant”. On est en 2023. Ce n’est pas normal. Ce n’est pas normal que des forces de l'ordre arrivent sur le seuil de la porte d'une maman et lui glisse simplement : “votre enfant est mort, il faut vous débrouiller”. Et ce n’est pas pour incriminer les gendarmes que je dis ça. Mais on s'aperçoit de plein de phénomènes comme ça. Donc, en effet, j’espère que mon livre arrivera dans des mains “adéquates”, je dirais. 

 

Il est d’ores et déjà possible de commander le livre de Fabien Bourgeonnier en avant-première sur le site de la maison d’édition "Alexandre de Saint-Prix".