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Dossier. Comment le canal de Saint-Martory pourrait sauver la Haute-Garonne de la sécheresse

Le manque d’eau est criant, après une année 2022 marquée par des niveaux de précipitations historiquement bas. On vous explique les stratégies mises en place pour avoir de l’eau cet été.   

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21 mars 2023 à 19h27 par Brice Vidal

 

Journée mondiale de l’eau ce mercredi. Mais depuis janvier tous les acteurs du dossier sont sur le pont en Haute-Garonne : département, Agence de l’eau, Syndicat mixte d’aménagement de la Garonne, Rés’eau 31. Et pour cause, les nappes phréatiques sont au plus bas, les retenues d’eau aussi (25 à 30% des capacités habituelles dans les retenues de plaines). « Et nous serons beaucoup moins résilients qu’en 2022 si ça continue, car l’an dernier les réserves d’eau étaient pleines » soulignent Guillaume Choisy, directeur général de l’agence de l’eau Adour Garonne, en visite sur le barrage de la Bure mardi. Alerte générale. Le département met donc un coup d’accélérateur sur plusieurs dispositifs permettant de sécuriser la ressource en eau. 

 

Les barrages au bord du Touch mis à profit

 

Pour tout comprendre, il faut intégrer que la Garonne, qui coule à son plus bas niveau historique depuis des mois (environ 20m3 / seconde) est un fleuve alimenté par les retenues des barrages pyrénéens d’EDF. Sans elles, le fleuve serait à sec.

Alors, la première disposition a été lancée par le SMEAG, syndicat mixte d’études et d’aménagement de la Garonne, qui a réservé à EDF au moins 70 millions de m3 d’eau pour cet été. Deuxième décision forte : optimiser les infrastructures existantes ; « à la fin de l’hiver et au début du printemps, nous allons réalimenter cinq retenues collinaires situées en bord de Touch (La Bure, Savères, Fabas, Cambernard et Parayre) grâce au canal de Saint-Martory » explique Sébastien Vincini, président du Conseil Départemental qui espère ainsi stocker 11 millions de m3 dans ces bassins utilisés par les irrigants. Un deal avec les agriculteurs du secteur qui permettra de mobiliser 2,6 millions de m3 chaque année « pour soutenir l’étiage du Touch pendant les canicules » et par extension celui de la Garonne.   

 

Le département veut faire couler de l’eau dans la nappe phréatique, un projet unique en Europe

 

Le canal de Saint-Martory pourrait aussi aider à remplir la nappe phréatique, grâce à une expérimentation inédite qui démarre en avril. Quoi de mieux, en effet, que de stocker l’eau sous la terre, à 15°, avant l’été ? Depuis plusieurs mois, le bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) cherche le meilleur endroit pour réinfiltrer la nappe phréatique en Haute-Garonne. Et il a trouvé !

Dans ses rêves les plus fous, le Conseil Départemental envisage de stocker, par ce procédé, jusqu’à 20 millions de m3 ! Yann Oudart directeur général adjoint de Rés’eau 31, le syndicat de l’eau de Haute Garonne oscille entre prudence et espoir « l’idée c’est de dévier l’eau du canal à travers d’autres canaux, là où la géologie permet une infiltration d’eau intéressante, on a présélectionné deux sites, à Cazères et au Fousseret. On va enchainer les essais en suivant. » Une belle idée, qui, si elle fonctionne demandera plus de vigilance encore quant aux éventuelles pollutions « car c’est sur 100 km² qu’on pourrait contaminer une nappe ». Il s’agit de l’une des plus importantes expérimentations de ce type en Europe.  

 

Faut-il construire de nouveaux barrages ?

 

Ca pourrait ne pas plaire à tout le monde. Mais selon Sébastien Vincini, qui saluait mardi les efforts des irrigants en matière d'économies d'eau, il semble acquis qu’il faille construire de nouvelles retenues d’eau en Haute-Garonne. C’est la conviction du socialiste, pourtant allié politique des écologistes souvent réticents sur ces dossiers. « C’est sensible mais j’essaie de faire en sorte qu’il y ait une prise de conscience collective » ; « il faut se poser les bonnes questions, notamment celle de la nécessité de créer des ouvrages en tête de bassin, pas forcément sur la Garonne mais sur ses affluents » Une concertation avec l’ensemble des acteurs – associations environnementalistes, agriculteurs, pêcheurs, industriels - a été lancée en janvier « pour identifier les zones vulnérables où potentiellement il peut y avoir un besoin de créer un ouvrage ». Elle restituera ses conclusions en juin prochain.