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DOSSIER 100%. Le tracé de l'A69 peut-il devenir le prochain Sainte-Soline ?

Les autorités s'inquiètent entre Tarn et Haute-Garonne. Le projet, qualifié d'écocide par militants et activistes écologistes, peut-il se transformer en ZAD ?

La justice valide une nouvelle fois les travaux de l'A69.

30 mars 2023 à 17h45 par La Rédaction

Les images tournent toujours en boucle sur les chaînes d'information. Ces deux groupes dans un champs se faisant face, sac à dos et parapluie pour se protéger d'un côté, casque et bouclier antiémeute de l'autre, dont l'affrontement se distingue dès lors que l'épais voile de gaz lacrymogène entend se déchirer au grès des rafales de vent qui balayent la scène. C'était il y a bientôt une semaine, à Sainte-Soline, dans les Deux Sèvres, à plus de cinq heures de route de Castres (Tarn).

Là-bas, la lutte se joue autour d'une mégabassine, une réserve d'eau destinée à l'agriculture. Dans le Tarn - qui a connu le précédent Sivens - et sur une partie de la Haute-Garonne, la colère des défenseurs de l'environnement est dirigée contre le bitume d'un projet d'autoroute qui devient réalité.

Le long de la nationale, les abatteuses s'activent sur le futur tracé de la voie rapide censée relier Castres à Verfeil. Le 1er mars dernier, les préfets du Tarn et de la Haute-Garonne accordaient l'autorisation environnementale à la construction de cette autoroute, dernier jalon administratif avec le début des travaux. Le lundi suivant, les opérations ont démarré avec la coupe de platanes se trouvant sur les alentours du tracé.

C'est à ce moment que les écureuils, ces opposants au projet d'autoroute qui occupent les cimes des arbres marqués pour abattage, sont sortis de leurs nids. La commune de Vendine, à la frontière des deux départements traversés par l'autoroute est devenue le symbole de ces actions. Là-bas, l'activiste Thomas Brail, est resté perché dans l'un des platanes pendant près de dix jours.

Une «sortie de route» maîtrisée ?

Engagés dans une course contre-la-montre, celle de ralentir au maximum ces travaux d'abattage jusqu'à la date fatidique du 31 mars, dernière échéance légale pour terminer la coupe des platanes, les opposants de cette autoroute ont déjà un prochaine date marquée à leur calendrier. Les 22 et 23 avril prochain, un appel pour un week-end d'action, dont le lieu exact reste à définir, a été lancé à l'appel d'Extinction Rebellion, la Voie est Libre, la Confédération Paysanne ainsi que ... Les Soulèvements de la Terre. Ce collectif, que le Ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a appelé à dissoudre, était également à l'origine du rassemblement qui a dégénéré dans les Deux Sèvres. 


Leur simple logo, apposé en bas de l'affiche, fait alors planer le spectre de nouveaux affrontements. Pourtant, Camille, membre d'Extinction Rebellion et proche de l'organisation de ce week-end « sortie de route », balaye l'hypothèse. « Ce n'est absolument pas le but, et ça n'a jamais été le but [...] On ne va pas refaire Sainte-Soline, notre but ce n'est pas d'envoyer les gens au casse-pipe. De notre côté on va essayer de trouver et de mettre en place les outils pour empêcher que ça arrive ». A la place, le militant met en avant « un week-end de mobilisation très inclusif et familial » avec une volonté « d'être plus déterminant sur la lutte » que l'organisation d'un simple festival. 

Dans son récit, Camille pointe notamment le « traumatisme» que constitue Sainte-Soline. La député de la 2ème circonscription de la Haute-Garonne, Anne Stambach-Terrenoir y était. Avec les élus présents sur place et une partie des manifestants, elle a formé une chaîne humaine pour protéger les blessés. Voit-elle  se profiler le scénario du pire entre Tarn et Haute-Garonne ? « Je n'espère pas, il ne faut surtout pas souhaiter que l'on arrive à des extrémités et une violence pareil avec la vie de personnes en jeu ». L'élue pointe la responsabilité du Ministre de l'intérieur dans l'issue de ce week-end de mobilisation. Un point de vue auquel Camille abonde : « A chaque fois, si violence il y a, la première provocation c'est celle de l'État. Les manifestantes et manifestants ne font que se défendre contre l'agression de l'État et défendre un bien commun. »

 

Les forces de l'ordre restent vigilantes

Alors, le sort de cette mobilisation des 22 et 23 avril - ainsi que les suivantes - est-il finalement entre les mains des forces de l'ordre ? Si les gendarmes, la Préfecture et les renseignements suivent de près la mobilisation à venir, une source au sein des services de l'État réfute l'hypothèse d'un Sainte-Soline bis, « on est dans l'expectative, c'est encore tôt pour savoir, mais ça fait partie des possibilités » et « s'il y a plus de 1000 personnes le 22 avril ce sera le début des emmerdements » explique celui qui affirme que « les autorités surveillent de près ceux qui pourraient venir de Toulouse. » Des tentes sont déjà installées sur certains terrains privés bordant le tracé de l'autoroute, et nul doute que le renseignement territorial met à jour ses fiches chaque semaine. Et les réunions vont bon train entre Préfectures, forces de l'ordre et pouvoir judiciaire. Une autre source très au fait du dossier imagine le scénario du pire : « voir débarquer les activistes du Black bloc espagnol, allemand ou italien. »


Si le risque de débordement n'est pas avéré à ce stade, les services ne baissent pas la garde. La vigilance porte notamment sur la portée de l'appel à mobilisation lancé pour ce week-end «sortie de route». Si les actions actuelles, et pacifiques, rassemblent quasi-essentiellement des opposants locaux ou venus de Toulouse, la crainte actuelle reste de voir descendre dans le Tarn des activistes de tous horizons. Contacté, les services de la préfecture du Tarn n'ont pour l'instant pas donné suite aux demandes de la rédaction. A ce stade, services de l'État et organisateurs ne se prononcent pas sur le nombre de participants attendus pour ces deux journées du 22 et 23 avril. Il serait encore trop tôt pour pouvoir faire une estimation. 


Axel Mahrouga et Brice Vidal