Ils voulaient "neutraliser" l'arsenal de l'ETA: deux Basques jugés coupables mais dispensés de peine

Deux personnes issues de la société civile avaient été arrêtées en 2016 en possession d'armes et d'explosifs de l'ETA

Armes illustration
Des armes avaient notamment été retrouvées
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16 mai 2024 à 17h18 par Cécile Gabaude avec AFP

Toutes les deux avaient reconnu les faits mais expliqué avoir voulu sauver le processus de paix au Pays Basque: deux personnes, issues de la société civile, arrêtées en 2016 en possession d'armes et d'explosifs de l'ETA qu'elles disaient vouloir "neutraliser", ont été reconnues coupables ce jeudi 16 mai 2024, à Paris, mais dispensées de peine.

Le militant écologiste Jean-Noël Etcheverry, surnommé "Txetx", et la journaliste aujourd'hui à la retraite Béatrice Molle ont été jugées coupables pour le premier de port, transport et détention d'armes et d'explosifs en lien avec une entreprise terroriste, et pour la seconde de détention de ces armes et explosifs toujours en relation avec une entreprise terroriste.

"L'infraction de détention et port d'arme reprochée, vous l'avez reconnue", a expliqué la présidente de la 16e chambre du tribunal de Paris en lisant son jugement. "Cette infraction est forcément constituée", a-t-elle poursuivi. Elle a par ailleurs souligné que l'infraction était aggravée par la circonstance terroriste, l'ETA étant reconnue comme une organisation de ce type. Et ce, même si les deux prévenus ont lors du procès expliqué avoir agi pour sauver le processus de paix au Pays basque.

Mais si le "mobile" n'entre pas en compte pour caractériser l'infraction, il peut jouer dans la détermination de la peine, a ajouté la magistrate. Le tribunal correctionnel, qui a aussi tenu compte de "l'ancienneté des faits" ou encore de la dissolution de l'ETA intervenue après les faits, a ainsi dispensé M. Etcheverry et Mme Molle de peine, et estimé qu'il n'y avait pas lieu de les inscrire au fichier des auteurs d'infractions terroristes.

La représentante du parquet national antiterroriste (Pnat) avait requis à leur encontre des peines de deux ans avec sursis pour M. Etcheverry et d'un an avec sursis pour Mme Molle.

Tous deux avaient été interpellés le 16 décembre 2016, avec trois autres personnes aujourd'hui décédées, lors d'une opération conduite par des enquêteurs français en coopération avec la Guardia Civil espagnole, dans la maison de Béatrice Molle à Louhossoa (Pyrénées-Atlantiques).

Dans une pièce, les forces de l'ordre avaient trouvé armes de poing, pistolets mitrailleurs, roquettes, fusils d'assaut, explosifs, chargeurs et plusieurs milliers de munitions.

Les prévenus, surnommés "Artisans de la paix", ont expliqué avoir voulu "neutraliser" ces armes, qui représentaient selon eux 15% de l'arsenal de l'ETA (Euskadi Ta Askatasuna), afin de pousser les autorités à poursuivre ensuite sur la même voie.

De fait, quelques mois plus tard, le 8 avril 2017, une vaste opération de désarmement était organisée par Jean-Noël Etcheverry, pourtant mis en examen et sous contrôle judiciaire, en accord cette fois-ci avec les autorités françaises, permettant de récupérer la quasi-totalité des armes restantes de l'ETA.

  

 Jugement d'"apaisement"

 "Nous aurions préféré la relaxe, mais la dispense de peine, je la prends comme une victoire, sans fanfaronnade", a déclaré après l'audience Béatrice Molle. "Je pense que le tribunal a retenu quand meme la validité de cette action qui n'avait qu'un seul but: la paix".  "Ca nous conforte", a pour sa part dit Jean-Noël Etcheverry. "Ce que nous avons fait, nous le referions sans hésitation si c'était à refaire".  "C'est un jugement d'équilibre, d'acrobatie, mais c'est aussi un jugement qui se veut d'apaisement", a observé Me Patrick Baudouin, un des avocats de la défense. "Et c'est un succès pour la société civile basque, et pour la poursuite d'un combat" pour la paix, a-t-il salué.

Dans un communiqué, le mouvement basque Bake Bidea a appelé le Pnat "à agir en conséquence et dans le sens de l'Histoire, et à ne pas faire appel à cette décision". Le ministère public dispose de dix jours pour le faire.

Fondée en 1959, l'ETA, qui s'est autodissoute en 2018, est tenue pour responsable de plus de 850 morts.