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Spectaculaire opération anti-rodéos à Toulouse : 6 personnes en garde à vue, leurs véhicules saisis

Pour la première fois à Toulouse, la police a mis en place des planques pour prouver les infractions de "run", avant d’intervenir en nombre afin de bloquer les mis en cause. Une opération qui sera rééditée. Reportage.  

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14 août 2022 à 9h49 par Brice Vidal

 

La police toulousaine passe à la vitesse supérieure face au fléau des rodéos urbains. Le drame de Pontoise et la médiatisation des runs sauvages près de l’Oncopole de Toulouse  n’y sont  probablement pas étrangers, « nous avons consigne du Ministre de l’Intérieur d’effectuer 10 000 contrôles au niveau national en août, à Toulouse on passe de deux opérations par semaine à cinq par jour » explique Jean-Cyrille Reymond le directeur départemental de la sécurité publique de Haute-Garonne qui a accepté de nous emmener sur la spectaculaire opération qui s’est tenue vendredi soir, route d’Espagne.

 

Jusque-là rien ne semblait pouvoir stopper le phénomène : 200 à 300 personnes se réunissent depuis plusieurs années, chaque vendredi notamment route d’Espagne, pour participer et assister à ces runs. Les points de rendez-vous, de longues lignes droites, se transmettent via les réseaux sociaux et les amateurs de sensations (mécaniques) fortes naviguent entre 5 à 6 spots sur l’agglomération toulousaine. Pour ce qui est de la lutte anti-rodéos, les sanctions pleuvent « nous avons eu cette année 534 véhicules contrôlés, 153 verbalisations et 27 véhicules confisqués » majoritairement des scooters dont le pilote faisait une "roue-arrière". Sauf que pour les « runs » en mode Fast and Furious, le nombre des saisies de véhicules était jusque-là famélique, alors que c’est le nerf de la guerre. 

 

Acte 1. Surveillance, vidéo et « chouf » pour constater l’infraction.

 

Car la loi anti-rodéos n’est pas aussi simple à mettre en œuvre « il nous faut constater la réitération du trouble à l’ordre public, le manquement aux obligations de sécurité et la vitesse excessive, chaque point doit apparaître en procédure » souligne le patron des policiers pour qui « on ne peut pas le faire en arrivant tranquillement avec le gyro deux-tons ». Pour changer la donne, la police va désormais monter des dispositifs « semblables aux enquêtes de stups : constatation via la vidéo-surveillance, mais aussi des planques (repérages par des policiers en civil) et l’intervention en nombre quand l’infraction est constituée », le but étant « de faire mal ».  

Vendredi le briefing au commissariat de Bellefontaine était mené par le commissaire Thierry Suau, patron de la chef de la division Toulouse Rive Gauche. Une quarantaine de policiers nationaux (BST, Bac, CDI, BSRD) et la police municipale écoutaient attentivement. Premier temps, « laissez les runners commettre les infractions », constatées par un officier de police judiciaire les yeux rivés sur la vidéo-protection au "central". « Faites des physio discrètes pour repérer où se garent les véhicules » demandait Thierry Suau à ses policiers en civil, « attention pas question de se faire détroncher (identifier) » insistait-il. Deuxième temps, le blocage du périmètre. « Vous avez vos indicatifs radio : la BST 210 Alpha bloque Léon Joulin, la CDI bloque le rond-point Dide et la BSRD bloque le rond-point Blanc » lançait le patron du dispositif. S’ensuivait deux heures d’attente « c’est le gros du travail de flic » rigolait l’un d’eux.

 

Acte 2. Le piège se referme

 

 

Aux alentours de minuit, l’opération était lancée. Véhicules et motos de police roulaient à vive allure vers la route d’Espagne. Le piège se refermait sur les runners et le public pris dans la nasse. Y compris pour ce couple venu de Limoux « j’aime l’automobile, on se rassemble entre passionnés mais on ne vient pas tous les vendredis » ; non loin de là, Luigi la vingtaine n’a pas son bolide « j’ai un problème d’injecteur » mais il est venu voir « comment ça tire », « on montre nos voitures, nos prépa ». « Oui il y a des accélérations » concèdait-il,  « quand c’est bien encadré ce n’est pas dangereux ». « J’ai juste eu le temps d’éteindre le contact et les forces de l’ordre sont arrivées » souriait Romain qui plaidait pour « la mise à disposition de pistes comme à la Réunion » pour les fans de bolides comme lui.

 

En un clin d'oeil, les policiers verrouillaient les accès du parking d’Aldi, « on a repéré 7 ou 8 véhicules qui ont participé aux runs, certains sont sur ce parking, on va contrôler tout le monde, un par un » expliquait Jean-Cyrille Reymond. Le petit jeu des conducteurs : ne pas revenir à leur véhicule.  Passagère d’un des véhicules pris en flagrant délit, Audrey* 17 ans regrettait d'avoir embarqué avec son ami « je ne le referai pas et j’ai eu peur ». Lydie, la compagne d’un autre individu qui terminait en garde à vue ne semblait pas prendre conscience du tarif ce soir « la saisie de la voiture ? Ca fait ch… mais on va vite la récupérer » croyait-elle. La décision de confiscation définitive reviendra aux magistrats. Ce vendredi 6 personnes étaient interpellées et placées en garde à vue pour des infractions de rodéos qui seront dures à nier. 6 véhicules étaient mis en fourrière par autant de dépanneuses arrivées en renfort.

Jean-Cyrille Reymond promettait d’autres opérations de ce type dans les jours à venir ; « ils vont y réfléchir à deux fois avant de venir » prophétisait-il. 

 

Lundi soir on apprenait les sanctions décidées par le parquet. La justice frappait fort. Sur les 8 personnes déférés devant le procureur de la République (deux de plus étaient arrêtées samedi soir à proximité de l'Oncopole) : 6 ont vu leurs véhicules confisqués définitivement. Pour deux mis en cause à qui le véhicule impliqué n’appartenait pas : 6 mois de prison avec sursis, annulation du permis et 1500 euros d’amende.