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Scandale à Toulouse : une fillette maintenue auprès de son père incestueux car la justice n’a pas transmis sa condamnation pour atteinte sexuelle

Sarah Kadi veut porter plainte contre l’Etat pour non-assistance à personne en danger.    

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24 janvier 2022 à 22h13 par Brice Vidal

 

Sarah envisage d’attaquer l’Etat car sa fillette « n’a pas été protégée ». En septembre 2015, Marie* 4 ans lui révèle que son père lui « touche le zizi, pour jouer, pas pour la laver ». Sarah, séparée du père, vérifie les dires de son enfant et va déposer plainte. Elle sera classée sans suite « par manque de preuve » précise-t-elle. La justice maintient le droit d’hébergement et de visite (un week-end sur deux et la moitié des vacances) pour le père Jérôme S. un Lotois actuellement âgé de 43 ans. 

 

Le temps passe, l’enfant ne fait plus mention d’agressions. Et en octobre 2019, le commissariat de Toulouse contacte Sarah pour l’auditionner, car le père de Marie « est en détention provisoire pour des faits de tentative de viol sur mineur ». Le sang de la mère de famille ne fait qu’un tour. La quadragénaire comprend que les agressions sur sa fille ont continué pendant 4 ans, l’enfant confirme, « ça n’avait jamais cessé » explique Sarah, horrifiée, qui déposera une nouvelle plainte pour agression sexuelle sur mineur par ascendant. 

 

Elle apprend par hasard que le père de son enfant a été condamné pour des infractions à caractère sexuel

 

La mère obtient en mars 2020 l’autorité parentale exclusive. Mais le pire pour celle qui se qualifie de « mère protectrice » survient lorsqu'elle découvre que le père incestueux a été condamné en mars 2019 à Cahors pour agression sexuelle sur mineur par adulte ayant autorité, agression intervenue dans le cadre de sa profession de l’époque : surveillant dans un établissement scolaire. La sentence : 2 ans de prison dont 6 mois ferme et une inscription au fichier des délinquants sexuels. Mais la maman n’en saura rien, « c’est inacceptable » s’indigne-t-elle. La justice cadurcienne n'aurait jamais transmis l'information. 

 

« Laisser une enfant entre les mains de son agresseur pendant 4 ans par négligence : oui c’est grave » explique son avocate, Me Myriam Guedj-Benayoun. « Marie aurait pu être protégée » mais « elle a été laissée entre les mains de son bourreau » selon elle « parce qu’on a oublié de donner des informations importantes et parce qu’elle n’a pas été crue. »

 

Elle veut attaquer l’Etat pour ne pas avoir protégé sa fille

 

Pour le conseil « on a encore supposé un syndrome d’aliénation parentale de la mère, pour protéger un agresseur », Myriam Guedj-Benayoun pour qui « oui il y a des pères et des mères qui se servent de leurs enfants pour entretenir le conflit parental, mais cela concerne 1,5% des cas » et aujourd’hui « 94% des plaintes pour inceste sont classées sans suite » déplore-t-elle. Elle envisage de porter plainte contre l’Etat « pour non-assistance à personne en danger » car « la France a dysfonctionné dans cette affaire » et « nous voulons nous retourner vers la Cour Européenne de Justice ». « Trop de classements sans suite quand certains enfants disent : papa me fait pipi dans la bouche » tonne sans filtre le conseil. « La présomption d’innocence est importante » mais « il y a l’intérêt supérieur de l’enfant » s'émeut cette spécialiste en droit de la famille. 

  

Le père de Marie vient d’être condamné, le 12 janvier dernier, par la cour d’appel de Toulouse : 25 mois de prison et un suivi socio- judiciaire de 3 ans pour agression sexuelle incestueuse sur mineur entre 2015 et 2019 **. « Marie aura eu le courage d’affronter le regard de son père » explique fièrement Sarah qui a vécu « un véritable tsunami », « il faut que la honte et la peur changent de camp » assène cette mère courage qui se reconstruit en s’investissant dans le domaine associatif. Elle est aujourd’hui la référente 31 des Papillons, association qui dépose des boites aux lettres, pour libérer la parole des enfants victimes de maltraitances.  

Pour le père de Marie, la séquence judiciaire n’est pas terminée, il doit comparaitre prochainement devant la Cour Criminelle de Haute-Garonne pour tentative de viol sur une jeune fille de 16 ans.  

 

*Le prénom a été modifié.
** L'accusé peut se pourvoir en cassation.