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Interview. Pierre-Yves Revol : "Cette première place ne fait pas de nous un épouvantail"

À quelques jours de la demi-finale face au Stade Toulousain, le président du Castres Olympique, Pierre-Yves Revol est revenu sur la saison régulière du Top 14 et les ambitions du club en phase finales.

100%

14 juin 2022 à 9h11 par Axel Mahrouga

À l'aube de ce derby opposant le Castres Olympique au Stade Toulousain en demi-finale de Top 14, le président du CO, Pierre-Yves Revol a accordé une interview exclusive à la rédaction de 100%. Bilan de la phase régulière, préparation de ces phases finales et ambition du club, le président nous répond.

100% - Un mot sur la saison régulière pour commencer. Le CO finit à la première place, demi-finale assurée, avant même le résultat de vendredi, on peut déjà parler d'une saison réussie ?

Pierre-Yves Revol : Oui, parce que notre objectif initial de début de saison était de nous qualifier dans les 6. Le fait de terminer à la première place, c'est effectivement une satisfaction pour le club. Maintenant, il est évident que pour autant, on aborde la phase finale avec de l'ambition et avec vraiment l'intention de faire le mieux possible.

Cette première place justement, on sait que Castres est une équipe qui aime bien vivre un peu cachée, pas forcément très exposée. Cette première place, a-t-elle changé le statut du club ?

De l'extérieur, je ne sais pas, mais en tout cas de l'intérieur, je sais que non. Pourquoi ? Parce que cette première place récompense une forme de régularité qu'on a eu toute la saison, en restant invaincu à domicile notamment. Pour autant, elle tient aussi à peu de choses. Par exemple, le Stade Français a annulé un déplacement à Toulouse dernièrement, alors que Toulouse était dans une période faste. Je pense qu'ils auraient très largement gagné et ils seraient peut-être à notre place, 1ers sans cet incident. On relativise aussi cette première place et je ne pense pas qu'elle fasse de nous un épouvantail. Elle ne change pas notre statut radicalement.

Depuis une semaine et demie, est-ce que vous avez senti dans le staff et chez les joueurs, peut-être un basculement vers un « mode phase finale » ?

Vous savez, ce n'est pas spécifique à cette année, mais il y a encore plus de passion, d'engouement lors de la préparation d'une phase finale. Je dis passion et engouement, mais aussi à l'intérieur du groupe sans doute encore plus de sérieux et de motivation. Je crois qu'on ne vit pas ces semaines comme on vit celles classiques durant la saison. C'est sûr qu'il y a un surcroît de motivation, d'adrénaline et je pense aussi de plaisir. La notion de plaisir est importante en phase finale et la volonté de vivre une aventure collective est très forte.

Une aventure justement partagée par toute la ville. Ils étaient 500 dimanche au Levezou, le centre-ville est bleu et blanc. Toute cette pression positive, faut-t-il y être un peu imperméable pendant une préparation ou justement, il faut prendre tout ce qu'il y a à prendre ?

Non, je pense que cette ferveur autour du club et de l'équipe elle est ressentie de façon très positive par les joueurs et je pense qu'ils s'en empreignent et au contraire ça leur sert à préparer ces échéances qui sont plus importantes que les précédentes. Vous l'avez vu, on a aucun souci à avoir du public aux entraînements. Je crois que ça fait partie de notre culture et de notre ADN et il faut qu'on partage ça le plus possible.

Pour finir sur la saison régulière, le CO n'est jamais du Top 6. Si vous deviez décrire en quelques mots cette phase régulière ?

Il ne faut pas oublier que nous avons gagné des rencontres de peu, parfois que nous aurions pu perdre aussi, confère la rencontre contre La Rochelle à domicile. Bon, une pénalité qui ne passe pas à la fin alors qu'elle est très bien placée ... vous voyez quand je parlais des aléas qui doivent nous ammener à considérer cette première place avec un peu de prudence, celui-ci en fait partie.
A contrario vous me direz qu'on a pris un essai à la dernière seconde à Montpellier et que nous aurions pu nous imposer à Montpellier, c'est vrai. Il n'en reste pas moins que nous avons gagné pas mal de rencontre de peu donc, comme je vous l'ai dit tout à l'heure cette première place ne fait pas de nous un épouvantail. On est très hereux d'avoir été assez régulier pendant la saison mais je crois qu'on ne se prend pas pour les meilleurs de la planète ovale, comme ça du jour au lendemain. On sait très bien que les matchs qui nous attendent en phase finale seront d'un niveau très élevé et qu'on a un très gros challenge devant nous. 

Un parcours aussi en partie dû au manager Pierre-Henri Broncan. Quand il arrive au club, il initie une remontée. L'an dernier, les phases finales n'étaient pas loin. Cette année la première place. La mission confiée est remplie ?

En-tout-cas la première partie de la mission. Mais oui son bilan est très positif depuis qu'il a pris les rênes du club. Je crois qu'on est en train de construire quelque chose d'intéressant. C'est la raison pour laquelle, si cette année on devait subir un échec en demi-finale, le club s'en remettra. Je crois que Pierre-Henry Broncan a du temps devant lui pour consolider le club sur le plan sportif. Ce qui est important, c'est d'avoir une politique claire et je crois qu'elle est claire. Vous savez qu'on a une vocation à avoir un effectif le plus soudé et le plus homogène possible et surtout essayer de fidéliser nos joueurs et recruter des joueurs peu ou pas connu et les promouvoir. Il incarne très très bien cette politique, je crois qu'on est en osmose parfaite. C'est ce qui nous permet avec des moyens inférieurs à ceux des grosses écuries de continuer à rester concurrentiel. Mais au-delà de la politique, il faut surtout la mettre en œuvre et ça il le fait remarquablement bien avec l'ensemble du staff assez compétent. Ce n'est pas l'œuvre d'un homme, y a tout un staff derrière qui contribue à la performance sportive.

On entrevoit justement déjà un peu le recrutement pour la saison prochaine. Pas de grands noms, beaucoup de joueurs de Pro D2. Avec Pierre-Henry Broncan l'idée, c'était aussi de capitaliser sur ses talents de «scout» ?

C'était plus que l'idée, c'était une nécessité. Soit vous avez des moyens illimités et vous recruter les meilleurs joueurs, dans le cadre du salary cap. Soit vous n'avez pas les plus gros moyens et vous devez avoir une politique sportive différente, et c'est le chemin que nous avons pris. Après, il faut aussi essayer de fidéliser le plus grand nombre de joueurs. Donc notre recrutement, c'est vrai qu'il est composé exclusivement de joueurs de Pro D2, mais vous aurez noté qu'on a quand même fidélisé la quasi-totalité de notre effectif ou en tout cas des forces vives sur le plan sportif. 

Et justement, en tant que président, dans le rugby, il y a eu l'ère Boudjellal avec beaucoup de grands noms. Là, on voit le recrutement de Toulouse avec beaucoup d'internationaux. Arriver à premier, demi-finale avec peu de moyens il y a une petite fierté derrière ?

Oui, enfin une fierté surtout pour le club. Notre ambition, c'est d'essayer de tirer notre épingle du jeu et de rester concurrentiel avec des moyens un peu plus moindres qu'ailleurs. Attention, on ne se plaint pas, on a aussi le groupe d'un soutien important et fidèle depuis trente ans (NDLR : le groupe Pierre Fabre) donc ça, c'est excessivement important et c'est aussi une des sources de la réussite du club. Mais oui c'est satisfaisant quand c'est le cas de sur-performer par rapport à son budget donc c'est un sujet de fierté. Personnelle ? Ça dépasse mon cas, je crois que c'est partagé par l'ensemble du club et ses collaborateurs. 

On arrive à la demi-finale, on connaît l'adversaire, le Stade Toulousain. On a vu une grosse performance face à La Rochelle. On avait promis que ça allait taper dur, là contre Castres, ça va taper encore plus dur ?

Oui, maintenant, l'échéance est devant nous. On sait que si on doit s'en sortir, c'est qu'on aura réussi sur le plan collectif à arriver à une forme de perfection ou en tout cas se transcender suffisamment pour le jour J, sur des rencontres couperets, donner le meilleur de nous-mêmes et livrer notre meilleure performance de la saison. Sans ça, il est peu probable que l'on puisse prétendre aller plus loin. Mais on a conscience que le groupe devra se sublimer pour aller plus loin, mais bon, c'est aussi une des forces du CO, dans ces matchs décisifs de trouver des ressources insoupçonnés. 

Et une nouvelle fois, vous rencontrez Antoine Dupont. Quand vous voyez ses performances, y a-t-il un sentiment de regret de l'avoir laissé partir ?

Je ne me pose même pas la question. On a essayé bien sûr de le conserver, ça n'a pas été possible et je respecte son choix et je lui souhaite le meilleur à titre personnel. Je lui souhaite le meilleur à titre personnel, c'est un garçon pour qui j'ai beaucoup d'estime comme c'est le cas d'ailleurs avec Anthony Jelonch qui nous a quitté. On n'a pas à avoir de regret, on est très heureux de les avoir eus quelques saisons avec nous déjà. Ils ont contribué à faire grandir le club et maintenant, ce n'est plus un sujet.

Propos recueillis par Axel Mahrouga